dimanche 20 février 2011

Tomas Plekanec

Ça fait trois ou quatre jours que j’ai reçu le cycleur et que mon niveau de liberté est passé de pas mal poche a pas mal bon. Pas mal poche étant mieux que la prison, mais pire qu’un centre pour les jeunes où tu es libre d’aller où tu veux, mais que tu dois rentrer avant 22h. Moi, il fallait que je rentre avant 22h quatre fois par jour... Bref, c’est terminé et je peux maintenant quitter la maison et revenir presque quand je veux. J’ai aussi repris bien des forces depuis quelques semaines et je me sens quasi normal. Je suis tellement prêt à reprendre un rythme normal que je suis allé jouer au hockey cosom l’autre soir. Je jouais avant d’être complètement en train de crever et j’adorais ça. En fait, je n’avais jamais joué au hockey régulièrement étant enfant et je crois que ça m’a manqué parce que je trouve que c’est le “plus beau sport du monde”. Pour les quelques touristes qui ne sont pas d’accord et pour Do qui pense que c’est le baseball, je m’explique. Premièrement, le hockey est un sport multifacette et pour être un joueur d’exception il faut absolument toutes les maîtriser ce qui peut, comme dans mon cas, ne jamais arriver. Le premier élément du hockey est sans doute la technique et la forme physique qui vont pas mal de pair; il faut que le bâton devienne une extension du corps et comme Bruce Lee le disait si bien, que chaque mouvement devient un réflexe. Le second élément est celui du jeu lui-même. Il faut connaître les tactiques, voir le mouvement de l’adversaire, anticiper l’action et les revirements possibles. Finalement, il y a l’aspect psychologique; c’est avec la dureté du mental qu’une partie peut changer complètement d’aspect à force égale. Être plus fort que l’adversaire psychologiquement c’est de l’amener à croire que son prochain mouvement sera X et qu’on le déjoue et désarçonne grâce à Y.

Donc, je suis allé jouer au cosom et laissez moi vous dire que cinq mois d’inactivité, ça coupe le souffle, ça brûle la poitrine, ça rend les jambes lourdes comme l’acier et raides aussi ! C’est une torture, mais c’est aussi un début. Je comprends maintenant pourquoi les gros pleurent dans l’émission des gros qui perdent du poids... Pas que ce soit une forme d’empathie qui manquait vraiment chez moi, mais ce sera toujours ça de gagné. Ah! Et pour Tomas Plekanec, bien je crois que c’est un exemple parfait de joueur d’exception, alors c’est comme ça que j’ai baptisé mon cycleur.

jeudi 10 février 2011

Fin du premier chapitre.

C’est une espèce de gros beigne beige muni d’un lit étroit. L’infirmière me demande de m’allonger sur le ce lit et une commande électronique le soulève tranquillement jusqu'à la hauteur de l’ouverture de l’appareil impressionnant. Je sens à peine le picotement de l’aiguille qui s’enfonce dans ma peau. Je suis couché sur le dos, les bras allongés au dessus de ma tête lorsqu'elle connecte un tuyau au site d’injection. Je n’ai qu’à suivre les instructions dictées par la machine, me dit-elle. Le bruit de turbine électrique comme dans les films de science-fiction, une espèce de cillement qui prend de l’amplitude au fur et à mesure de l’accélération m’indique que la machine se met en marche; je peux voir des éléments tourner à l’intérieur, mais je ferme les yeux comme si cela allait me protéger. Le lit sur lequel je suis couché fait un premier mouvement d’aller-retour à l’intérieur de la machine. Une première voix se fait entendre: prenez une grande respiration et gardez là. Le lit fait à nouveau sa valse à l’intérieur de cette turbine. Je suis nerveux. Je me sens comme le condamné à mort. Je suis conscient de ce qui s’en viens, j’ai peur des conséquences et j’aurais aimé, je souhaite, que cela ait pu se passer autrement. Je tente de me calmer, de simplement lâcher prise. Je ne suis pas condamné à mort. L’infirmière prend le micro et de la pièce voisine, me parle: vous allez sentir l’injection et une chaleur dans tout le corps et c’est normal. La machine s'accélère; prenez une grande respiration et gardez là. J’entends le son du liquide qui est poussé dans mon bras comme lorsqu’on presse une bouteille et qu’il y a de petites bulles, mais je ne peux pas voir exactement ce qui se passe, puis une chaleur se repend dans tout mon corps, comme si j’avais uriné dans mon pantalon. Je trouve cela presque drôle, mais je sais qu’à cet instant c’est un poison qui circule dans mes veines, qu’une substance dont la présence n’est pas désirée envahit mon organisme. La sensation est un peu comme quand on se battre à l’école: on voudrait se sauver. Étrangement, mon premier réflexe est de me concentrer sur la sensation dans mon dos où se trouvent mes reins. Je me demande si mes organes souffrent en mourant. Oui je sais, c’est un peu étrange. Je crois ressentir quelque chose, comme une légère crampe, mais je ne sais pas si c’est une coïncidence ou si je prends tout cela bien trop au sérieux. C’est la première fois qu’on me fait du mal pour me faire du bien...

Ce matin les choses vont mieux. Je ne sens pas de différences avec la veille. Je ne suis ni épuisé et je ne ressens pas de douleur. Était-ce si grave que ça ? Mes reins ont-ils simplement encaissé le coup ? Ce qui est certain c’est qu’une nouvelle étape est franchie. Ce matin à la radio, Paul Arcand interviewait des membres de deux couples qui donnent un rein chacun au conjoint de l’autre. Une femme qui après huit ans de dialyse et d’attente sur la liste se rend compte qu’un collègue est compatible avec elle et que la femme de celui-ci est aussi en attente d’un rein et que l’échange avec son mari est possible. C’est une belle histoire, enfin... Huit ans... Merde.

mardi 8 février 2011

Un pas de plus.

Demain je vais passer le dernier test qui me permettra d’être finalement inscrit sur la liste d’attente de Transplant Québec. Bien que ce soit un examen de routine, ceci marque un point de non-retour pour ma santé et la perception que j’ai de toute cette situation. Pour exécuter ce test, une imagerie des poumons, on devra m’injecter un colorant afin d’accroître le contraste des photos. Ce colorant signe en quelque sorte l’arrêt de mort de mes reins, car ils le tolèrent
difficilement.

Il n’y a jamais eu de doutes que mes reins allaient totalement cesser de fonctionner un jour, mais quelque part redisait toujours l’espoir; un espoir fondé sur de la magie sur ce qui ressemble j'imagine à la croyance avec une grande croix. Je comprends aussi que c’était jusqu’ici, une façon de me protéger du découragement et bien sûr du désespoir.

Cette réflexion peut sembler injustifiée ou démesurée à cause de la nature inévitable de la situation, mais cela perturbe quand même quelque chose de profond dans mon identité. Je ne peux chasser l’idée que mon corps n’aurait pas survécu en nature, que j’aurais eu beau être dans la meilleure des formes physiques, avec la meilleure alimentation et dans le meilleur climat; mon corps n’aurait pas survécu et je serais mort avec lui. Cette idée secoue des fondations en moi, mais du coup me libère d’une certaine emprise. Bien que l’analyse reste floue, le sentiment lui est précis.

Je me tourne maintenant vers l’avenir avec une perspective modifiée. Je ne peux pas dire “nouvelle”, car je reste qui je suis, mais avec un déplacement dans l’axe du regard que je porte sur moi et sur le sens de la vie, de ma vie.