samedi 23 juillet 2011

Comme un coup de massue

Cette semaine, je m'étais promis d'entreprendre la recherche d'emplois. En réalité, je me sentais vraiment d'aplomb et reprendre le travail, faire les démarches déplaisantes afin d'en trouver, semblais finalement, non plus réaliste, mais comme la chose à faire. Je n'ai généralement aucune motivation pour ce genre de tâches, alors ce sentiment était drôlement bienvenue.

Mercredi passé, j'ai reçu de mon médecin les résultats de tests d'analyse d'échantillons fournis la semaine précédente. Les nouvelles n'étaient pas bonnes. Les analyses sanguines ont démontré que mon taux de créatinine avait grandement augmenté se trouvant maintenant au dessus des 1700 (la normale étant plus ou moins 90). Mon taux d'urée avait aussi augmenté, tout comme mon niveau de phosphore. Ces chiffres seuls ne veulent pas dire grand-chose, mais en réalité la situation est fort simple : ma fonction rénale s'éteint de manière de plus en plus définitive.

J'avais encore ce qu'on appelle une fonction rénale résiduelle qui me permettait de me débarrasser par les urines, de quantités convenables de toxines. Maintenant, je vais aux toilettes aussi souvent que passe l'autobus 29 Rachel dans mon quartier : on a droit à un vœu lorsqu'on la croise. Cela veut donc dire que ces toxines, qui ne sont plus éliminées par l'urines doivent sortirent par un autre moyen, ce qui est le rôle de la dialyse. En ce moment, avec les taux de toxines qui augmentent drastiquement, on comprend que la dialyse ne compense plus suffisamment et qu'il faut absolument ajuster ce traitement. Heureusement, il me reste un peu de marge de manœuvre, mais tout indique que mon péritoine (la membrane qui est censée permettre aux toxines de traverser vers le liquide de dialyse) ne répond pas comme on l'aurait espéré. Bref, tout ça peut paraître un peu compliqué, ce qu'il faut toutefois retenir c'est que mes traitements n'offrent pas les résultats espérés et qu'il se pourrait que j'ai à changer de méthode. Changer de méthode veut dire l'hémodialyse. Je sais que des centaines de personnes se servent de ce traitement sans problèmes, mais moi je n’en veux pas. J'en ai peur, comme d'une araignée au plafond : c'est irrationnel, mais puissant. M'imaginer me rentrer des aiguilles dans le bras pour filtrer mon sang me le glace.

Cette nouvelle est tombée comme un coup de massue au moment où je reprenais confiance, au moment où j’acceptai ma situation comme étant mon quotidien. On dit que la maladie est un combat et j'ai parfois envie de jeter la serviette. Pourtant, ce combat on ne peut l'abandonner : on n'échappe pas à l'arène du Colisée et de ses fauves affamés. Cette mauvaise nouvelle est un coup de plus à encaisser et je tente de garder mon sang-froid et garder mes esprits clairs. Sur le moment, la panique s'est emparée de moi, la tristesse aussi. Pourquoi? Pas de réponses. Je me suis dit: « Ça y est, je vais en Thaïlande me chercher un rein sur le marché noir ». Puis là, je suis allé faire l'épicerie en pensant à tout ce que j'allais cuisiner. Ça m'a calmé. Je vais maintenant tout faire pour ne pas passer à l'hémodialyse, quitte à faire des traitements pendant le jour. J'en suis là. Je ne crois pas aux miracles, mais je crois à la transplantation qui me donnera un répit de quelques années... Pourvue qu'elle arrive à temps.

lundi 18 juillet 2011

Avenir trouble (suite et fin)

La mort, la séparation et la maladie partagent un sentiment commun. Le vide de la mort, la disparition de l’amour et l’isolement de l’altérité creusent un abîme incompréhensible, mais palpable. Avant d’être malade et subir des traitements, mon esprit vagabondait dans toute sorte de projets d’avenir tout en étant quotidiennement dorloté par le berceau de la routine. Puis un jour, un diagnostic tombe et perturbe ce doux mouvement aussi incessant que la marée. Une faille se dérobe sous mes pieds et la chute m’entraîna dans un endroit sombre et déprimant. Immanquablement, le changement provoqua une levée des boucliers et pendant des semaines, voir des mois et encore parfois à l’occasion, mon esprit s’imagine un univers parallèle où ma santé serait intouchée. « Qu’aurait été ma vie si… » Cette question m’apparait fréquemment. Pire encore, il m’arrive de visualiser ma vie antérieure, de réaménager le passé, tentant désespérément d’influencer le présent afin qu’il ait un sens. « Si seulement je n’avais pas consommé telle truc, si j’avais fait plus attention à ça » et ainsi de suite, sans arrêt. Mes souvenirs deviennent alors comme un jeu de dominos : si j’étais comme cela, c’est parce que je souffrais de ceci et que si je ne n’avais pas eu ceci, j’aurais été cela, jusqu'à refaire complètement mon historique. Ce sont ces réflexions futiles qui me hantent lorsqu’une relation aboutit, lorsqu’une complicité est sublimée, réduite à néant par la perte sous toutes ces formes.

Cette réflexion m’entraîne dans un monde qui n’existe nulle part d’autre que dans ma tête et m’éloigne de tout; de moi, des autres, du champ de bataille et du combat. Tôt ou tard, il faut accepter la transformation, cette absence, ces nouvelles règles. Ne jamais oublier qu’une bifurcation n’est pas un pas en arrière.

J’entends souvent parler de ces gens qui, frappés par la maladie, obtiennent l’illumination presque divine et changent radicalement leurs habitudes et profitent de chaque moment de la vie, remerciant à chaque instant le ciel d’être encore vivant. Je ne suis pas de ceux-là. Je ne me suis pas soudainement découvert de passion, je ne suis pas plus reconnaissant envers la vie et je ne voue aucun culte aux astres et à l’univers. J’ai toujours été un peu pessimiste, voire réaliste…

Néanmoins, je ne suis pas indifférent non plus, loin de là. Le changement qui survient, qui pour certains est aussi formidable qu’un soleil devenant supernova, est pour moi un long processus et le signe d’une profonde métamorphose. La maladie n’est pas qu’un drame ou un obstacle à surmonter, c’est aussi le temps de profiter d’une contrainte opportuniste, l’occasion cauchemardesque de s’arrêter, de réfléchir, de faire un grand ménage introspectif et de remettre en question ses priorités et ses valeurs. C’est ainsi, que depuis quelques mois je classe, je réaménage et déplace dans mon esprit les mémoires et leurs significations des 30 dernières années. Le changement qui en découle est pour la plupart du temps subtil, mais fondamental : c’est mon rapport à l’univers, à ma place dans ce monde, mon rôle dans la société sous toutes ces facettes qui reçoivent de nouvelles informations, s’adaptent et se transforment. Mon regard et mon écoute se tournent vers moi-même et je me tends la main. Je me scrute et m’interroge afin de me définir et choisir les bons mots pour le faire. Je prends un réel plaisir à trouver la bonne définition, celle qui serait la plus juste.

Depuis la maladie, cette remise en question m’aura perturbée et blessée. Puis, petit à petit, elle m’aura permis de revoir les fondations de mon être et de redéfinir ma quête existentielle. Présentement, je continue d’approfondir ce remaniement qui doit se présenter dans toutes les sphères de mon quotidien, car maintenant je l’exige. Je ne pense pas que l’on puisse rendre le sens de la vie limpide. Néanmoins, il est possible d’éclairer l’obscurité et de s’avancer sans se perdre.

C’est ainsi, je l’espère, que je trouverais ma voie, car mon avenir n’aura d’importance que s’il contribue à approfondir cette immense réflexion.

vendredi 8 juillet 2011

Un avenir trouble

Je suis allé passer un test la semaine passée. Pas de prises de sang, pas de machines sophistiquées, juste un bon vieux questionnaire. Trois sections d'une dizaine de questions chacune afin de m'indiquer ce que je devrais faire dans la vie. Cela faisait un bon moment que je songeais à faire une telle démarche. Au terme de mon bac, l'occasion de trouver un travail à mon goût ne s'est jamais présentée; c'est plutôt une succession de malheurs qui s'est pointé le nez. Quand j'ai finalement appris que mes reins foutaient le camp, je me suis dit que j'en profiterais pour méditer et élucider le mystère de mon avenir.

Toutefois, je ne suis pas de ceux qui changent du tout au tout après un traumatisme. Je n'ai eu aucune révélation divine, je ne me suis pas soudainement trouvé une passion pour la vie et mon profil de personnalité « AIE » (Artistique, Investigateur, Entreprenant) n'offre finalement aucune possibilité de formation selon le système informatique! Je continue donc à errer dans le néant professionnel en attendant de trouver une source de motivation. Si on enlève le « E » de mon code, on obtient tout plein de suggestions tel que céramiste, styliste de fourrure et bien évidemment, mime!

En attendant, vous pouvez toujours me suivre sur cinefilic.com parce qu'en plus de chialer sur ma vie, je chiale aussi sur le cinéma!

À suivre...