samedi 29 septembre 2012

Fistule II: Le retour.

Comme un mauvais rêve qui se répète perpétuellement, j'ai eu la visite, moins de deux jours après mon épisode cauchemardesque, de la spécialiste des fistules et autres accès veineux (quelle horrible job pareil!). Coïncidence? I don't think so. Cela devait faire presque qu'un an qu'elle n'était pas venue me parler et soudainement elle s'intéressait ardemment à mon cas, voulant connaître où j'en étais avec mon opération fistulaire. Quand je vous racontais que certains médecins vous donnent un choix, mais vous suggère fortement de vous diriger vers une direction en particulier, eh bien voilà! Je lui dis simplement que je ne veux pas la fistule (rappelez-vous qu'à ce moment je suis cloué à ma chaise et mon traitement m'affaiblit tranquillement) et sa première réaction est de me demander pourquoi. 

-Je ne suis pas à l'aise avec ça. 
-Je crois que personne n’est à l'aise avec ça. Dit-elle, un sourire en coin. 

Puis, avec un fort accent anglais, elle enchaîne avec un argumentaire inquiétant, frôlant la menace. Elle me parle de complications sans les nommées et d'années de vie en moins, tout en prenant le soin de me rappeler mon jeune âge et que ça serait vraiment dommage s'il m'arrivait quelque chose. J'aimerais bien lui en faire moi, une fistule. Chose certaine, elle a bien fait d'étudier en médecine, car la diplomatie n'est pas sa force. J'avoue que je ne suis pas un patient facile non plus; je suis curieux, je pose mille et une questions, je veux tout savoir sur les traitements que je subis, je ne fais confiance à personne (après au moins trois erreurs médicales et deux complications post opératoire, on devient méfiant) et surtout, j’essaie de minimiser les facteurs de stress dans ma vie. Je contraste peut-être avec les patients plus âgés qui semblent subir passivement les décisions des troupes médicales. 
Il fallait que je trouve un moyen poli de la chasser. 

-Vous me parlez de risques, mais j'ai besoin d'en savoir plus pour prendre une décision. Je veux connaître les statistiques, avoir des données scientifiques. 
-Ok, mais tu ne vas pas tout comprendre, c'est des termes scientifiques et c'est en anglais... Parce que c'est pour tout le Canada et les États-Unis. 

Quelle excellente justification pour me faire croire qu'il n'existe aucune littérature francophone sur le sujet, mais ça c'est complètement un autre dossier. Tout ce que je voulais c'était de la renvoyer devant son ordi, qu'elle me foute la paix. Ça a fonctionné. 

Je sais bien que cette accalmie n'est que temporaire. Plus que tout, j'aimerais qu'elle respecte mon choix. Ce n'est pas comme si j'avais le cancer et que je refusais carrément mes traitements pour me laisser mourir. J'accepte mes traitements, mais avec un facteur de risque plus élevé que ce qu'elle et d'autres médecins voudraient me voir choisir. Ce choix n'est pas facile pour moi non plus. Ce qui m'importe, c'est de maintenir un équilibre entre le bien-être psychologique et physique. Pour l'instant, la fistule représente un mouvement de trop, celui qui déséquilibrerait mon écosystème. J'ai besoin de temps, beaucoup de temps d'adaptation. Ma vie roule à un rythme inconcevablement lent et ma capacité à gérer les obstacles est grandement diminuée. Voici un exemple pour vous illustrer tout ça : j'ai une plante à la maison et cette semaine je gardais le chat d'une amie. Pendant cette semaine, j'ai oublié d'arroser la plante... parce que je gardais un chat. 

Vivement la greffe, qu'on en finisse.

jeudi 27 septembre 2012

Mauvais rêve / La Force d'un guerrier.


Mauvais rêve.

J'ai reçu un appel téléphonique de l'hôpital hier. Le message m'indiquait que mon rendez-vous pour l'opération avait été fixé au 5 octobre. En entendant le nom du médecin, je savais pertinemment qu'il s'agissait de la fistule pourtant, la dernière fois que j'ai entendu ce nom nous étions en décembre. Presque un an plus tard, mon rendez-vous m'était attribué. Je croyais, j'espérais, qu'on m'avait oublié. Cette maudite opération et ce nom aussi « fistule », cet horrible nom qui pourrait très bien figurer au haut de l'affiche d'un film gore de série B : « Craignez, LA FISTULE!!! ». J'en ai fait des mauvais rêves.

Je n'irais pas jusqu'à dire des cauchemars, mais certainement un séjour dans un univers Finsher-esque, à l'époque où les tueurs en série le fascinait. Ce qui est bien en dialyse pour le docteur, c'est que le patient ne peut pas se sauver (j'imagine que les cas répertoriés où les patients se sont sauvés lors de consultations sont assez rares, mais au moins la possibilité existe lorsqu'on n'est pas branché à une machine qui vous pompe le sang). Les médecins peuvent me dire les pires atrocités, me faire miroité les avantages d'une opération, qui à mes yeux se rapproche plus d'une pratique de boucherie que d'un geste médical, sans que je puisse prendre mes jambes à mon cou en hurlant ma désapprobation, cloué et vulnérable à cette chaise plus ou moins confortable. Et comme seules les perversions de l'inconscient savent le faire en dormant, ce médecin se dédoublait, m'entourant maintenant de clones, m'intimant à l'unisson d'approuver la démarche carnassière. J'apparaissais soudainement en sale pré opératoire, revêtant uniquement la jaquette de tissu empestant l'eau de javel et dévoilant mon dos et mes fesses nues, le froid de la climatisation à outrance de la salle d'opération me glaçant les os et l'esprit. Et ce blanc, ce blanc froid jaillissant des puissantes ampoules et se reflétant à l'infini sur les céramiques encore plus blanches des murs de cette salle de torture. Pourquoi toute cette blancheur si ce n'est que pour accentuer le rouge flamboyant de mon sang sous le scalpel. J'observais l'équipe médicale former un coccus; ils se consultent, se font un plan de match, un plan d'attaque et je savais, puisque je rêve, de quoi il s'agit. Ils planifient m'anesthésier de force afin de pratiquer l'opération contre mon gré et je les observe toujours, paralysé par le froid et maintenant, par la peur.

Évidemment, tous les rêves se terminent de la même façon. Un de mes médecins m'a déjà dit quelque chose comme : « L'important ce n'est pas que tu aies les résultats de test sanguin parfait, ou que tu prennes la méthode la plus perfectionnée. L'important c'est que tu te sentes le mieux possible, peu importe les résultats sur papier ». Ces paroles m'ont rassuré à ce moment, mais ce ne sont pas tous les médecins qui semblent partager cet avis. Parfois ils insistent un peu trop sur la méthode parce que « sur papier » c'est la meilleure. J'ai eu ma dose de stress et d'angoisse ces deux dernières années pour combler quelques décennies et pourtant, ce n'est pas terminé. J'ai réglé le cas de la fistule ce matin et j'en suis soulagé. Maintenant, si je pouvais juste dormir tranquille...

* * *

La Force d'un guerrier.

Quand Dave m'a téléphoné, j'ai cru qu'il me faisait un mauvais coup. On ne se voit pratiquement jamais, nous ne sommes pas des amis proches, mais tout de même, je l'aime bien. Par contre, ce qu'il me dit à l'autre bout du combiné ne fait aucun sens : « Ben est à l'hôpital aux soins intensifs, il a eu un accident de travail. Il a reçu une cage de 800 livres sur la tête. Va le voir, il est au General ». La nouvelle est surréelle, je ne sais pas quoi dire et encore moins comment réagir. Une des premières choses qui me vient en tête est que ça tombe bien, moi aussi je suis au General. Outre cet égoïsme à peine voilé, je n'arrive pas à saisir l'ampleur de la situation; après tout, ces choses là n'arrivent pas à nos amis et quand elles arrivent ce sont toujours de petites blessures. Pourtant, une cage de 800 livres, ça doit laisser quelques séquelles, non?

Le lendemain je suis allé voir Ben aux soins intensifs. On m'avait prévenu qu'il avait le visage « magané ». Ce que j'ai vu était extraordinaire dans sa définition la plus littérale : « qui sort de l'ordinaire » ou encore « qui étonne par son aspect bizarre, singulier ». Bien que j’arrivais à lire les traits sur son visage qui font de Ben celui que l'on reconnaît, la métamorphose causée par le terrible choc qu'il avait subi était inimaginable. Le visage boursouflé au point où la peau de ses joues semblait pouvoir céder à tout instant, les yeux fermés par des paupières grosses comme des poings et ses lèvres gonflées comme si on lui avait joué un mauvais tour en chirurgie plastique. Autour de lui, des machines, des solutés, des pompes; l'artillerie lourde quoi. J'en étais presque jaloux tellement l'équipement était moderne!

Je me suis approché et je me suis identifié. Son premier geste, car il bouge on m'a dit; il bouge les doigts et les orteils ce qui est une très bonne nouvelle vu les circonstances, a été de me faire un signe de la main qu'on voit dans tout bon rassemblement métal. Merde! L'incrédulité amère faisait place à la stupéfaction. Puis il s'est mis à bouger les jambes et les bras pour me faire comprendre qu'il était en parfaite santé. Incapable de parlé et entubé pour respiré, il communiquait en écrivant sur des feuilles de papier. Ce qui m'a frappé, c'est dès qu'il s'est mis à bouger, j'ai reconnu cette gestuelle qui lui est propre.

Ben à frôlé la mort et il aura certainement des séquelles au visage. Mais pour lui, ce n'est rien. Ce que j'ai vu ce jour-là, c'est une force colossale, je ne peux pas utiliser le mot courage, car il n'a rien vu venir. C'est plutôt comme si la mort s'était heurtée à plus fort qu'elle. Et Ben dans tout ça, on dirait que ça l'a insulté, comme s'il lui disait : « Té sérieuse? C'est ton meilleur coup ça? C'est une joke ou quoi? ». Ce que j'ai constaté ce jour-là, c'est un homme tellement fort, même cloué à son lit, que j'en suis intimidé. Je ne peux attendre de te voir sur tes deux jambes Ben! À bientôt.  

jeudi 20 septembre 2012

Nouvelles d'un hypertendu.

Voilà bien longtemps que je ne vous ai pas donné signe de vie, sur ce blogue du moins. Je n'avais rien à vous dire ou plutôt, rien a ajouter à ce qui avait déjà été dit. Je ne vous cacherais pas cependant que j'ai toujours en tête d'alimenter ces pages web, évaluant ce que je pourrais y apporter de plus. Mais voilà, l'été caniculaire m'a assommé à bien des niveaux et sans en faire une excuse, a probablement alimenté mon absence de créativité et de productivité. Vivement l'automne! 

Malgré tout, cet été en a été un grandement captivant à bien des égards. Au-delà de la crise sociale et des élections sur lesquelles je pourrais déblatérer sur des dizaines de pages pour répéter les arguments déjà énoncés des centaines de fois dans les journaux et autres blogues divers, au-delà de la météo, qui comme à chaque été, occupe une place importante de nos conversations comme si le fait d'en parler pouvait y changer quelque chose, au-delà de tout ça, je suis sorti de ma tanière. 

Maintenant que j'ai un peu de recul sur la saison qui achève, je comprends de plus en plus à quel point je me suis emprisonné librement. Ma situation, ma maladie, me marque au fer rouge. Je suis le « quelqu'un » dans votre entourage que vous connaissez qui attend une greffe, l’exception à la règle, le gars « trop jeune pour être malade ». Tout cela me donne une visibilité dans l'imaginaire collectif de mes cercles sociaux qui, sans nécessairement avoir d'effet sur ces membres, en exerce un dévastateur sur moi. Je n'endure pas cette attention. Je n'en veux pas. 

Sans grande surprise, la plupart des nouvelles personnes que j'ai croisées cet été (quand je vous disais que je suis sorti de ma tanière, j'ai même fait de nouvelles connaissances!) n'ont pas porté attention à ce boulet que je porte ou du moins, ne me l'on pas fait sentir. Ils ne m'ont pas trouvé plus ni moins intéressant que je l'aurais été à leurs yeux en parfaite santé. Pourtant, je persiste à en douter. Je me dis « ils savent » et donc, ils « ne savent rien ». Ils ne peuvent pas comprendre. C'est vrai, à moins d'avoir vécu quelque chose de similaire, qu'ils ne peuvent pas comprendre, mais la vérité c'est qu'ils n'ont pas à comprendre; ça ne devrait rien changer ni pour eux, ni pour moi. Malgré tout, je m'impose cette barrière avec les « autres », avec vous, comme une discipline parfaitement maîtrisée. Comme n'importe quelle armure, cela est parfois lourd à porter, j'en suis conscient et je fais ce qu'il faut pour m'en débarrasser, un morceau à la fois. 

Finalement, sortir de ma tanière pour faire de nouvelles rencontres, sortir pour simplement être ailleurs que chez moi et dans ma tête aura été le meilleur moyen de me déjouer et de taire cette interminable réflexion introspective prise en boucle dans ma tête. Sur ce, je vais aller jouer dehors.