mardi 28 mai 2013

Camera obscura.

Le recueillement est sans doute essentiel afin de faire face à l'adversité que représente la maladie. Je suis allé au centre de moi-même, j'ai ouvert de nouvelles portes, j'ai accepté le duel. Se recueillir, c'est aussi aller chercher une raison plus grande que soi-même pour se battre, c'est aller à la source de la vie elle-même. J'ai remonté le temps, je me suis projeté dans le futur, j'ai accepté le présent. J'ai construit autour de moi une armure spirituelle et l'acceptation de mon sort m'a conféré une détermination inébranlable. Jusqu'à ce que celle-ci commence à s'éroder. 

La vérité c'est que je ne possède pas les mots pour décrire les sentiments qui m'habitent. Il y a effectivement tout un travail qui s'apparente à de la spiritualité qui me donne ce qu'il faut pour continuer; certains dans la même situation que moi disent avoir trouvé Dieu. Personnellement, je n'y ai jamais cru et je n'ai jamais senti le besoin de croire en un être supérieur. Je crois en l'humain, je crois en son immense potentiel, je crois à sa capacité de philosopher, de créer, de communiquer et de construire. L'humain est capable du meilleur, surtout dans l'adversité. Cela ne fait pourtant pas de moi un optimiste, au contraire, mais je ne veux pas m'engager sur cette voie pour l'instant. Le recueillement a été nécessaire pour découvrir ce qu'il y avait de meilleur en moi et puiser de cette énergie la confiance en l'avenir nécessaire pour faire face au présent. Toutefois, dernièrement j'ai l'impression que quelque chose d'important m'échappe, comme si avec le temps j'avais oublié l'objectif de départ; l'érosion du temps. Je flotte dans un univers parallèle au vôtre et je peine à trouver les ponts pour vous rejoindre. Ce qui me permettait de me ressourcer est en train de m'isoler. 

Cet isolement ne doit pas être compris au sens propre : j'ai plusieurs amis avec qui j'ai constamment des contacts et mes parents me soutiennent pleinement. Cela fait maintenant deux ans et demi environ que j'attends une greffe. Ma routine hebdomadaire est bien établie, mon état de santé est stable depuis un bon moment et j'ai repris le contrôle sur mon alimentation. Tout va bien donc. Pourtant, ce n'est pas le cas. Toute cette stabilité routinière bien établie, ne puise pas en moi l'esprit de combativité qui m'animait encore il n'y a pas si longtemps. Maintenant que la poussière retombe, je constate mon immobilité face au monde qui continue d'avancer sans m'attendre. Alors qu'autour de moi des couples se forment et se brisent, des enfants naissent, des carrières s'emballent, des voyages se planifient, des projets aboutissent, je me sens spectateur impuissant d'un spectacle qui ne s'adresse pas à moi. Je suis derrière le rideau et j'envie les acteurs sur scène, m'imaginant dans leur rôle, saluant la foule. J'ai perdu de vue mon bonheur et mon présent. Je suis perdu entre un passé qui ne reviendra plus jamais et un futur imaginé de toutes pièces. En attendant de les retrouver, j'attends patiemment le prochain acte.