Je suis seul dans ma chambre du SSU, dans une pièce à l’écart du reste des patients, dans une pièce ou le brun est roi et maître. Sauf pour le plafond qui est formé de tuiles en mousse blanche. Même les rideaux servant à diviser les deux lits qui meublent la pièce sont en parfaite harmonie avec la monotonie des murs. Je suis couché sur le dos et je ne peux bouger, ordres du médecin. Malgré les trois épaisseurs supplémentaires de couverture, je tremble de toute part et seul l’excellent riz frit au poulet servi au souper finit par me donner un peu de chaleur. Pour uriner, c’est dans un réceptacle en carton recyclé que cela se passe. D’ailleurs, la première urine est cruciale; l’infirmière doit l’examiner pour s’assurer qu’elle ne contienne pas de sang visible. Charmant. Le lit dans lequel je suis installé est aussi douillet qu’une brique et mon dos souffre de l’impossibilité de positionner ce foutu matelas droit. J’ai beau actionner les manivelles et tenter de jouer sur l’angle, il y règne perpétuellement une agressante asymétrie. J’ai mal et je suis incapable d’identifier si cela est dû à l’anesthésie qui tranquillement perd de son pouvoir ou si cela est plutôt musculaire. J’ai l’impression d’être au-dessus d’un feu et de rôtir lentement. Ce soir-là, mon père est venu me voir et bien que cela n’ait pu atténuer la douleur physique, j’ai pu m’endormir l’esprit tranquille.
Le lendemain matin je me fais réveiller par la désormais traditionnelle prise de sang. On vérifie mes signes vitaux; tout semble bien se passer. Les choses prennent toutefois une nouvelle tournure lorsque le médecin du SSU vient me voir pour m’informer que mon niveau d’hémoglobine est bas, ce qui indique une hémorragie interne. Mon rein saigne. Merde. Je me rappelle la Russe et me demande si j’ai bien reçu le fameux médicament par intraveineuse ou si, après tout, j’ai reçu la dose dans le bras. On doit me garder en observation une journée de plus : échographie et prises de sang au rendez-vous. « Vous savez, en trente ans de carrière, c’est la deuxième fois que je vois cela se produire ». J’en suis flatté. Vraiment. Ce soir-là j’ai reçu la visite d’un clown sans nez, mais armé de confettis et d’une carte signée par mes collègues de travail. Le problème avec les clowns c’est qu’ils font rire et qu’à chaque fois, j’ai l’impression qu’on m’arrache un morceau de chair à l’intérieur. Mais... Merci!
Mon médecin vient une fois de plus me rencontrer tôt le lendemain matin. Cette fois-ci elle désire me parler du futur. Sans aucune introduction ou préparation, elle s’élance : « Philippe, j’aimerais te rencontrer lundi afin qu’on parle de l’avenir. Je vais aussi inviter une spécialiste de la clinique de prédialyse et selon les résultats de la biopsie, nous pourrons commencer à regarder les possibilités d’une transplantation ». Ça prend vraiment un doctorat pour formuler une phrase comme celle-là. Évidemment, sur le coup, je ne suis pas trop certain de saisir toute la portée de ce qui vient de s’échapper de sa bouche. «On se dirige inévitablement vers la dialyse; lorsque ton niveau de créatinine atteindra un certain niveau, tu ne seras plus fonctionnel et on devra faire une dialyse ». J’imagine que mon médecin a pu voir dans mon regard que l’information ne s’est pas immédiatement rendue jusqu’à moi. À ce moment quelque chose à tout bloqué… Je peux rentrer à la maison?... Maintenant?...
… À suivre…
Un clown sans nez... c'est la faute aux babybels qui coûtent trop cher, bon!!! Next time, promis :)
RépondreSupprimerC'est dur de commenter un truc aussi important sans avoir l'air tata. Mais, après consultation de mon C.V. je confirme que j'ai toujours eu l'air plus ou moins tata.
RépondreSupprimerAlors donc, ta chronique est à la fois toujours aussi concise et bien plus précise qu'une aiguille d'hôpital.
geeklectro a bien raison!
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