jeudi 27 septembre 2012

Mauvais rêve / La Force d'un guerrier.


Mauvais rêve.

J'ai reçu un appel téléphonique de l'hôpital hier. Le message m'indiquait que mon rendez-vous pour l'opération avait été fixé au 5 octobre. En entendant le nom du médecin, je savais pertinemment qu'il s'agissait de la fistule pourtant, la dernière fois que j'ai entendu ce nom nous étions en décembre. Presque un an plus tard, mon rendez-vous m'était attribué. Je croyais, j'espérais, qu'on m'avait oublié. Cette maudite opération et ce nom aussi « fistule », cet horrible nom qui pourrait très bien figurer au haut de l'affiche d'un film gore de série B : « Craignez, LA FISTULE!!! ». J'en ai fait des mauvais rêves.

Je n'irais pas jusqu'à dire des cauchemars, mais certainement un séjour dans un univers Finsher-esque, à l'époque où les tueurs en série le fascinait. Ce qui est bien en dialyse pour le docteur, c'est que le patient ne peut pas se sauver (j'imagine que les cas répertoriés où les patients se sont sauvés lors de consultations sont assez rares, mais au moins la possibilité existe lorsqu'on n'est pas branché à une machine qui vous pompe le sang). Les médecins peuvent me dire les pires atrocités, me faire miroité les avantages d'une opération, qui à mes yeux se rapproche plus d'une pratique de boucherie que d'un geste médical, sans que je puisse prendre mes jambes à mon cou en hurlant ma désapprobation, cloué et vulnérable à cette chaise plus ou moins confortable. Et comme seules les perversions de l'inconscient savent le faire en dormant, ce médecin se dédoublait, m'entourant maintenant de clones, m'intimant à l'unisson d'approuver la démarche carnassière. J'apparaissais soudainement en sale pré opératoire, revêtant uniquement la jaquette de tissu empestant l'eau de javel et dévoilant mon dos et mes fesses nues, le froid de la climatisation à outrance de la salle d'opération me glaçant les os et l'esprit. Et ce blanc, ce blanc froid jaillissant des puissantes ampoules et se reflétant à l'infini sur les céramiques encore plus blanches des murs de cette salle de torture. Pourquoi toute cette blancheur si ce n'est que pour accentuer le rouge flamboyant de mon sang sous le scalpel. J'observais l'équipe médicale former un coccus; ils se consultent, se font un plan de match, un plan d'attaque et je savais, puisque je rêve, de quoi il s'agit. Ils planifient m'anesthésier de force afin de pratiquer l'opération contre mon gré et je les observe toujours, paralysé par le froid et maintenant, par la peur.

Évidemment, tous les rêves se terminent de la même façon. Un de mes médecins m'a déjà dit quelque chose comme : « L'important ce n'est pas que tu aies les résultats de test sanguin parfait, ou que tu prennes la méthode la plus perfectionnée. L'important c'est que tu te sentes le mieux possible, peu importe les résultats sur papier ». Ces paroles m'ont rassuré à ce moment, mais ce ne sont pas tous les médecins qui semblent partager cet avis. Parfois ils insistent un peu trop sur la méthode parce que « sur papier » c'est la meilleure. J'ai eu ma dose de stress et d'angoisse ces deux dernières années pour combler quelques décennies et pourtant, ce n'est pas terminé. J'ai réglé le cas de la fistule ce matin et j'en suis soulagé. Maintenant, si je pouvais juste dormir tranquille...

* * *

La Force d'un guerrier.

Quand Dave m'a téléphoné, j'ai cru qu'il me faisait un mauvais coup. On ne se voit pratiquement jamais, nous ne sommes pas des amis proches, mais tout de même, je l'aime bien. Par contre, ce qu'il me dit à l'autre bout du combiné ne fait aucun sens : « Ben est à l'hôpital aux soins intensifs, il a eu un accident de travail. Il a reçu une cage de 800 livres sur la tête. Va le voir, il est au General ». La nouvelle est surréelle, je ne sais pas quoi dire et encore moins comment réagir. Une des premières choses qui me vient en tête est que ça tombe bien, moi aussi je suis au General. Outre cet égoïsme à peine voilé, je n'arrive pas à saisir l'ampleur de la situation; après tout, ces choses là n'arrivent pas à nos amis et quand elles arrivent ce sont toujours de petites blessures. Pourtant, une cage de 800 livres, ça doit laisser quelques séquelles, non?

Le lendemain je suis allé voir Ben aux soins intensifs. On m'avait prévenu qu'il avait le visage « magané ». Ce que j'ai vu était extraordinaire dans sa définition la plus littérale : « qui sort de l'ordinaire » ou encore « qui étonne par son aspect bizarre, singulier ». Bien que j’arrivais à lire les traits sur son visage qui font de Ben celui que l'on reconnaît, la métamorphose causée par le terrible choc qu'il avait subi était inimaginable. Le visage boursouflé au point où la peau de ses joues semblait pouvoir céder à tout instant, les yeux fermés par des paupières grosses comme des poings et ses lèvres gonflées comme si on lui avait joué un mauvais tour en chirurgie plastique. Autour de lui, des machines, des solutés, des pompes; l'artillerie lourde quoi. J'en étais presque jaloux tellement l'équipement était moderne!

Je me suis approché et je me suis identifié. Son premier geste, car il bouge on m'a dit; il bouge les doigts et les orteils ce qui est une très bonne nouvelle vu les circonstances, a été de me faire un signe de la main qu'on voit dans tout bon rassemblement métal. Merde! L'incrédulité amère faisait place à la stupéfaction. Puis il s'est mis à bouger les jambes et les bras pour me faire comprendre qu'il était en parfaite santé. Incapable de parlé et entubé pour respiré, il communiquait en écrivant sur des feuilles de papier. Ce qui m'a frappé, c'est dès qu'il s'est mis à bouger, j'ai reconnu cette gestuelle qui lui est propre.

Ben à frôlé la mort et il aura certainement des séquelles au visage. Mais pour lui, ce n'est rien. Ce que j'ai vu ce jour-là, c'est une force colossale, je ne peux pas utiliser le mot courage, car il n'a rien vu venir. C'est plutôt comme si la mort s'était heurtée à plus fort qu'elle. Et Ben dans tout ça, on dirait que ça l'a insulté, comme s'il lui disait : « Té sérieuse? C'est ton meilleur coup ça? C'est une joke ou quoi? ». Ce que j'ai constaté ce jour-là, c'est un homme tellement fort, même cloué à son lit, que j'en suis intimidé. Je ne peux attendre de te voir sur tes deux jambes Ben! À bientôt.  

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